La révolution de l’alphabet
Rien de plus simple que l’alphabet : les enfants l’apprennent dès 3 ans environ, à 4 ou 5 ans il est totalement assimilé. Pourtant son introduction a demandé une transformation profonde de l’écriture et de la pensée : passer d’un langage des signes à un langage des sons n’est pas une mince affaire ; il s’agit certainement d’une des inventions ayant eu le plus d’impact sur notre environnement, en compagnie de la taille du silex, l’agriculture, la métallurgie, l’imprimerie, la machine à vapeur, l’électricité, la vaccination ou le Web.
Précédé par les écritures cunéiformes (Sumer, IVème millénaire avant notre ère) et hiéroglyphiques (Egypte, IIIème millénaire avant notre ère), il semble que le premier alphabet soit apparu au XIVème siècle avant notre ère, dans ce qui compose maintenant la Syrie, le Liban et Israël (écriture Ougaritique). Après de nombreuses péripéties, déformations, retournements et inversions des signes, les alphabets premiers ont progressivement évolués vers le grec et finalement notre alphabet latin.
L’introduction de l’alphabet ne consiste pas en une amélioration de l’écriture hiéroglyphique, mais en une rupture avec celle-ci : nous passons d’une écriture de choses à une écriture de mots. L’écriture porte les sons de la langue parlée et par conséquent la langue elle-même.
Les avantages de l’alphabet dans un contexte technologique
On doit relativiser les avantages de l’alphabet (écriture phonétique) par rapport aux écritures à base de hiéroglyphes, pictogrammes ou idéogrammes en se ramenant au contexte sous lequel on les examine.
Les écritures à base d’idéogrammes sont particulièrement riches, belles et évocatrices, et établir une hiérarchie serait hors de propos. Dans notre contexte, celui de la communication en environnement technologique, mettons l’accent sur :
La simplicité – Il n’y a que peu de signes à retenir, le codage est d’une efficacité redoutable. L’alphabet latin (plus de 80% du contenu sur le Web) comprend seulement 26 lettres plus quelques diacritiques (accents, tilde…) selon les langues. L’arabe possède 28 lettres, l’hébreu 22, le russe 33, le farsi 32, le turc moderne 29, le bengali script 50, etc. En comparaison, la lecture d’un journal en langue chinoise exige la maîtrise d’environ 3.000 logogrammes, et les gros dictionnaires destinés aux érudits en possèdent jusqu’à 50.000.
La transparence – Contrairement à l’écriture hiéroglyphique, l’écriture alphabétique ne porte pas de ‘‘sens’’, elle porte des ‘‘sons’’. Le passage du son au sens (c’est l’objet même du langage) est laissé au soin des locuteurs. En informatique on dira que l’écriture alphabétique est un protocole de couche basse (la transmission), transparent à l’usage que l’on en fait (l’application).
La flexibilité – Le langage parlé est extraordinairement flexible : nous pouvons exprimer la même chose de mille façons différentes sans altérer le sens que nous souhaitons transmettre. L’écriture alphabétique qui code les sons véhicule directement le langage sans le contraindre, lui laissant toute la souplesse dont il est capable.
La neutralité – L’écriture alphabétique est neutre et découple émetteur et récepteur, chacun n’ayant pas besoin de connaître les détails de la conversion sémantique de l’autre. Cette caractéristique est essentielle pour une communication ouverte et simple, la connaissance de tous les détails de son interlocuteur étant impraticable (imaginez que l’on ait besoin de comprendre les processus de pensée de chaque personne avec nous communiquons, même pour des actions aussi simple que d’aller faire ses courses ou de prendre un taxi).
Les hiéroglyphes de l’IoT
Applications et objets connectés communiquent à travers des API (Application Programming Interface) qui définissent à la fois les concepts (on/off, ouvert/fermé, une couleur, une adresse, une température, etc.) et la façon d’y accéder. Cette intrication sens/langage est la source de bien des problèmes, en particulier celui du manque d’interopérabilité des solutions.
Comme chaque API est spécifique de l’application ou de l’objet connecté, il y a autant de ‘signes’ que d’applications et d’objets. Les API sont les hiéroglyphes des technologies de l’information. En pire, car chaque objet ou application, même similaire mais provenant d’un éditeur différent, a une API distincte : les scribes de l’Egypte antique auraient eu une vie bien compliquée s’ils avaient eu besoin d’un signe spécifique pour désigner les bœufs ou les chats de chaque propriétaire.
Voici une trentaine d’année, les réseaux ont fait leur ‘révolution du langage’ (avec les URI et les protocoles IP au sens large), permettant l’émergence de l’Internet et du Web. La généralisation nécessaire de l’IoT et de ses usages requiert que l’IoT fasse de même, en passant des API-hiéroglyphes à une communication simple, transparente, flexible et neutre, dont le langage naturel est un candidat… naturel (cf article Le langage naturel : un jeu d’enfants).
Si vous avez apprécié cet article vous pourriez également lire L’interopérabilité de l’IoT sera sémantique ou n’existera pas ou vous rendre sur notre page Solution pour découvrir les autres bénéfices du langage naturel et du no-code.
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